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Institut de Formation des Enseignants de la Musique
(I.F.E.de.M) (promotion 1997-1999)





La méthode de guitare d'Emilio Pujol.
Mai 1999





Mémoire présenté par Daniela Polcher
Sous la direction de Mr. André Bon


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Table des matières

1. Introduction

La guitare est aujourd'hui un des instruments les plus pratiqués dans les conservatoires et les écoles de musique. À l'intérêt porté à cet instrument par un grand nombre de compositeurs du XXesiècle s'ajoute l'intense activité des interprètes. Certains personnages marquants comme Andres Segovia, ont réussi à conquérir le grand public et ont encouragé les compositeurs à écrire pour la guitare.

C'est d'abord de l'Espagne que partit cet élan au siècle dernier, grâce, d'une part, aux progrès de la lutherie, et d'autre part à la technique et à l'enseignement de Francisco Tarrega (1852-1909). Dans les années 1920-30, la guitare était déjà en plein essor en Europe et dans le monde entier. Quelque temps après, on vit apparaître un peu partout des académies de guitare qui s'accompagnèrent d'une forte demande d'enseignement et de matériel pédagogique. Citons en France dans les années cinquante la classe de Ida Presti à la Schola Cantorum, l'Académie de guitare de Christian Aubin ou la création par Emilio Pujol (1886-1980) d'une classe de guitare à l'École Normale de Musique de Paris.

Emilio Pujol, est l'un des artisans du renouveau de la guitare. Dans cette ambiance d'effervescence il a contribué à l'enseignement en écrivant une méthode de guitare reflétant son intense activité pédagogique. Cet ouvrage, la ``Escuela Razonada de la Guitarra'', est impressionnant quant au volume et à la somme de matériel qu'il renferme. Les cinq volumes qui la constituent, peuvent être considérés comme l'aboutissement de l'évolution de la guitare depuis la fin du XIXesiècle Il est donc intéressant aujourd'hui, 70 ans après sa conception et 30 ans après la publication du dernier volume, de s'interroger sur le rôle qu'elle peut encore jouer dans l'enseignement de la guitare. Vu la situation historique de l'oeuvre et la foule d'aspects techniques et musicaux abordés, on pourrait penser qu'elle constitue une référence. Cependant les méthodes pédagogiques et la pratique de l'instrument ont continué d'évoluer, pouvant rendre ``l'École Raisonnée de la Guitare'' obsolète. Ainsi, dans ce qui suit, nous allons essayer de répondre à ces questions en l'analysant et en la replaçant dans l'enseignement de la guitare pratiqué aujourd'hui.

Nous allons dans un premier temps effectuer un bref parcours de l'histoire de la guitare et des méthodes du dix-neuvième siècle, jusqu'à la figure de Tarrega, pour pouvoir situer le contexte historique dans lequel s'inscrit la méthode de Pujol. Ensuite nous nous attacherons au musicien lui-même et à son ``École Raisonnée de la Guitare'' par une brève biographie, suivie de l'exposé des intentions de son auteur et d'une description de la méthode. Afin d'illustrer sa progression et son contenu, nous avons choisi parmi les sujets abordés dans la méthode, un principe de conduite de la main gauche que nous suivrons depuis son énoncé jusqu'à son application à un niveau avancé. En prenant appui sur cet exemple et sur la présentation par Pujol d'autres aspects de l'instrument, on tentera de déterminer ce qui confère à cet ouvrage une valeur durable, et comment l'enseignement actuel de la guitare peut en tirer profit.

2. Vers la guitare moderne

2.1 Repères historiques

La guitare, devenue vers 1800 un instrument à six cordes simples, connaîtra une période florissante grâce à l'engouement de la bourgeoisie pour cet instrument intime de sonorité douce et parfois mélancolique, mis à l'honneur dans les salons romantiques européens, notamment à Paris, Londres et Vienne. Les deux personnalités les plus marquantes de la première moitié du siècle sont Fernando Sor (1778-1839) et Mauro Giuliani (1781-1829), succédés dans la deuxième moitié par Luigi Legnani, Napoleon Coste et Joseph Kaspar Mertz. Cependant, vers 1880, la guitare va se trouver peu à peu marginalisée face à l'emprise de plus en plus grande du piano, comme en témoignent les traités de composition de Rimsky Korsakov, Gevaert ou Lavoix qui la considèrent comme un instrument d'accompagnement.

Il est utile d'évoquer brièvement les principales méthodes de guitare des auteurs du dix-neuvième siècle ainsi que la facture instrumentale à la charnière des deux siècles pour mieux appréhender ensuite la méthode de Pujol.

Pour satisfaire à la demande des nombreux amateurs, plusieurs méthodes verront le jour au siècle dernier parmi lesquelles on peut citer celles de Dionisio Aguado, Ferdinando Carulli, Mateo Carcassi, Giuliani et Sor, cette dernière étant la méthode la plus approfondie du XIXesiècle. En ce qui concerne l'organisation des leçons, on peut dire que la méthode de Carulli s'articule autour d'un même schéma (gamme, arpèges, accords, étude) appliqué à tous les tons majeurs et mineurs et de quelques pièces figurant à la fin de la méthode. Celle de Aguado contient des exercices préliminaires de lecture de notes ; beaucoup d'exercices ordonnés en paragraphes, des études courtes, de nombreux exercices de liés et d'ornements et des pièces plus importantes à la fin de l'ouvrage. Formant un ensemble cohérent, cette méthode a permis de former de nombreux guitaristes et a été l'objet de rééditions plus récentes (révision de Sainz de la Maza par exemple). La méthode de Sor, quant à elle, fonde ses propos sur l'analyse (anatomie, physique). Le texte est dense et les croquis détaillant les positions sont nombreux. Il s'agit comme il le précise ``d'un traité des principes raisonnés sur lesquels sont fondées les règles qui doivent guider les opérations''.

L'esthétique du son diffère chez les uns et les autres : Carulli, Aguado et Giuliani recommandent l'usage des ongles pour obtenir un jeu brillant et une vélocité adaptée à un répertoire virtuose. Sor, Carcassi ou Messonnier prônent l'utilisation de la pulpe des doigts plus à même selon eux, d'exprimer le sens musical de leurs oeuvres. Tarrega rejoindra au fil des ans cette idée de pureté du son produit uniquement par la pulpe et après lui, certains de ses disciples dont Pujol.

En Espagne, des recherches visant à améliorer la puissance de l'instrument vont déboucher grâce au luthier Antonio Torres (1817-1892) sur la guitare du XXe siècle Torres est à l'origine des dimensions actuelles de la guitare, mais aussi et surtout de ses qualités sonores : puissance, dynamiques et timbre. Il renforce la table d'harmonie au moyen de petites baguettes disposées en éventail, adopte les mécaniques modernes et travaille sur la puissance de la projection du son. Julian Arcas (1832-1882) interprète et compositeur très important à son époque, collaborera dans sa mise au point. L'empreinte des ces guitares se retrouve dans toute la facture moderne, aussi bien dans celle des continuateurs directs, ayant travaillé avec Torres (Esteso, Garcia, Hernandez, la famille Ramirez) que dans celle de luthiers comme Hauser, Fleta, Boucher ou Friederich (Figure [*]).

  
Figure: Guitare Torres.

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Francisco Tarrega (1852-1909) posséda deux guitares Torres qui comme on l'a vu, représentaient un progrès significatif dans la lutherie. C'est à lui qu'il appartiendra de hisser à nouveau la guitare au rang des instruments de concert par son exploration des nouvelles possibilités sonores et techniques, par ses compositions et ses transcriptions, et par le rayonnement de son enseignement.

2.2 Francisco Tarrega (1852-1909)

Issu d'un milieu modeste, Tarrega fut orienté très tôt vers la musique à cause de sa précocité et de sa vue menacée. Lorsqu'à dix ans, il écouta le grand virtuose Arcas jouant sur une guitare Torres, baptisée ``La Leona'' (la Lionne), il décida de sa vocation. Tarrega mena dans sa jeunesse une vie bohème, baignant dans la musique populaire. Il gagnait sa vie en jouant et en improvisant librement à la guitare et au piano sur des airs à la mode, ou sur des airs d'opéra (Figure [*]).

La scène musicale espagnole semblait dominée au XIXesiècle par l'opéra italien, à l'exception de la zarzuela et des chansons patriotiques surgies lors de l'invasion napoléonienne. Mais vers 1850, des sociétés de concerts, des chorales, des formations de chambre et des cafés-concerts (comme ceux où se produiront Albeniz, Casals, Armengol) se développent et dynamisent la vie musicale. La création en 1830, du Conservatoire de Madrid, offrira au nationalisme musical un cadre où s'épanouir. C'est là que Tarrega, alors âgé de 22 ans, acquit une solide culture musicale en étudiant le piano et la composition. La reconnaissance de son talent survint lors d'un concert qu'il donna pour les professeurs du Conservatoire, curieux d'entendre la guitare, qui était considérée alors comme un instrument de rue n'ayant aucune place dans l'enseignement officiel.

  
Figure: Portrait de Francisco Tarrega

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Travailleur acharné, concertiste reconnu, il voyagea assez peu et préféra se produire dans le cadre restreint d'auditions privées. Les amateurs de guitare se réunissaient à cette époque dans des lieux, parfois insolites. Tel est le cas de la célèbre ``vaqueria`` (étable à vaches) de Leon Farré à Barcelone où Tarrega, puis Llobet, Pujol, Sainz de la Maza, Segovia, jouèrent entourés d'artistes et d'intellectuels parmi lesquels Granados, Vines, Vives et Malats.

Tarrega composa uniquement pour la guitare : des préludes, des études, des pièces de caractère, des pièces de virtuosité, écrites dans un langage romantique plein de charme et de poésie. Il laissa beaucoup de transcriptions qui témoignent de sa volonté d'agir pour le répertoire et le prestige de la guitare.

À ses débuts, il s'inspira du jeu de Arcas, lui-même hérité de celui d'Aguado. Dès 17 ans, et durant toute sa vie, il joua sur une guitare Torres dont il tira tous les effets possibles. Ses recherches le conduisirent à une remise en question de toute sa technique et à l'abandon en 1902 du jeu avec l'ongle au profit du son produit uniquement avec la pulpe des doigts, ``meilleur reflet de l'âme''. Il modifia la position de la main droite de manière à ce que chacun des doigts, assez tendus et perpendiculaires au plan des cordes, se trouvât à la même distance du plan des cordes, permettant ainsi d'utiliser l'annulaire au même titre que les autres doigts, ce qui n'était pas d'usage à l'époque, et d'obtenir une égale facilité d'attaque. Tarrega privilégia l'attaque butée c'est à dire, celle dont la direction est non pas diagonale mais parallèle à la table d'harmonie et qui confère au son homogénéité et puissance. Voici ce que Pedrell écrivît en 1915 à propos de Tarrega : ``Il a fait d'un instrument dont les ressources semblent si pauvres en apparence, un des instruments les plus expressifs qui soient en musique''. Le renouveau technique qu'imposa Tarrega fût la conséquence de sa haute exigence musicale et de sa volonté de développer ce qui à ses yeux semblait être un atout majeur de l'instrument : ses qualités sonores et expressives.

Dans son livre ``Tarrega''2.1 , Pujol, nous éclaire sur l'état d'esprit de Tarrega dont il rapporte certaines réflexions. En voici quelques unes :

Les élèves de Tarrega se chargèrent de transmettre son savoir : Domingo Prat à Buenos Aires ; Josefina Robledo au Brésil ; Daniel Fortea à Madrid ; Pepita Roca à Valence. Deux de ses disciples influenceront le développement de l'instrument : Miguel Llobet (1878-1938) et Emilio Pujol (1896-1980) (Figure [*]). Llobet mena une brillante carrière internationale. Ses compositions se démarquent de celles de ses contemporains par leur harmonie parfois hardie, influencée par les musiciens français qu'il fréquenta à Paris. Il créa en 1920 ``l'Hommage à Debussy'' de Manuel de Falla dont il est le dédicataire et l'instigateur. Son élève la plus connue est la guitariste argentine Maria Luisa Anido. Pujol eut lui aussi une intense activité internationale. Il embrassa plusieurs domaines allant de l'interprétation et la composition à la recherche musicologique et à la pédagogie.

  
Figure: Assis : Enrique Garcia célèbre luthier, Miguel Llobet et Emilio Pujol.

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3. ``L'École Raisonnée de la Guitare''

3.1 Emilio Pujol (1886-1980)

Emilio Pujol naquit en 1886 à Granadella, un petit village sur une terre d'oliveraies, situé dans la province de Lerida, et dont son père était le Maire. Il commença son éducation musicale à l'âge de cinq ans et se tourna très vite vers la guitare, butant contre l'opposition paternelle. En 1894, la famille s'installa à Barcelone où Emilio, d'abord aiguillé par ses parents vers des études d'ingénieur, choisit définitivement la musique. Sa rencontre avec Tarrega sera déterminante. Il donnera son premier concert en 1907 à Granadella, puis partira travailler la composition à Madrid avec Agustin Campo, en 1910. Sa carrière débutera véritablement en 1911 lors d'un concert à la Cour et se poursuivra par de nombreux récitals en Espagne, dans plusieurs pays d'Europe et en Amérique Latine. Il jouera d'abord sur une guitare Garcia, puis sur une Torres de 1863.

Pujol séjourna une première fois à Paris de 1921 à 1928 et commença à s'intéresser à la musicologie, fouillant les archives privées et les bibliothèques européennes à la recherche d'indices permettant de retracer l'histoire de la guitare. Il fut le premier à redécouvrir la musique pour vihuela du Siècle d'Or espagnol ainsi que celle des guitaristes du XVIIesiècle. La vihuela est un instrument à fond plat possédant une caisse de résonance en forme de ``huit'', qui fleurit en Espagne au XVIesiècle et pour laquelle il existe une littérature très riche (Fuenllana, Mudarra, Narvaez, Pisador, Valderrabano). Cette activité, pionnière pour l'époque, devint une composante essentielle de son travail. Elle s'accompagna d'articles, de conférences-concerts, de transcriptions en notation moderne (Bibliothèque de Musique Ancienne et Moderne pour guitare`` chez M. Eschig) et d'essais publiés par l'Institut Espagnol de Musicologie, traduisant un souci constant de la divulgation. Dès 1927 (Salle Erard, Paris), des oeuvres de musique ancienne apparaissent dans ses programmes de concerts. En 1934, Pujol découvrit l'unique exemplaire d'une vihuela datant des années 1500 au Musée Jacquemard-André (Figure [*]) et commença à jouer en public sur une copie de cet instrument en 1936.


  
Figure: Vihuela du début du XVI [IMAGE ] siècle.

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Le large éventail de ses activités, touchant aux domaines de l'interprétation, de la composition, de la musicologie, de l'enseignement, ses nombreux voyages, et sa longue existence (il est mort à Barcelone à l'âge de 94 ans en laissant quelques projets inachevés dont le dernier volet de sa méthode) sont des facteurs qui expliquent la diversité de ses relations. Il côtoya Pedrell, le Comte Morphy, Paul Valery, Conchita Badia, Pau Casals, Gaspar Cassado, Georges Dandelot, Alfred Cortot, Hector Villa-Lobos, Joaquin Rodrigo, Luis Millet, Ricardo Vines et son frère, Franck Marschall, Joaquin Nin, Oscar Espla, Enric Ribo, Eduard Toldra, Joaquin Nin-Cumell (fils de J.Nin, né en 1908) et bien d'autres de ses contemporains.

Pujol fut témoin de la grande diversité des tendances esthétiques de ce siècle. Il créa à Paris ``l'Hommage à Debussy'' de M. de Falla en 1922 et encouragea les jeunes compositeurs comme Rodrigo. Son esthétique post-romantique, se rattache plutôt à l'école nationaliste impulsée par Pedrell. Il composa à partir des années 1910 et toute sa vie durant, plus de 120 oeuvres pour la guitare, sans compter la somme des études de sa méthode. Il forma un duo avec sa femme, la guitariste Matilde Cuervas qu'il épousa en 1923, et effectua ainsi de nombreuses transcriptions pour deux guitares et notamment d'oeuvres d'Albeniz, Granados et Falla. Même si elle est très guitaristique, la musique de Pujol exige de l'interprète une grande maîtrise. Beaucoup de pièces sont de caractère intime, assez brèves, et toujours expressives, forçant l'attention de l'auditeur ; d'autres font appel à de nombreux effets et changements de couleur dans un but descriptif mais jamais gratuit.

Pédagogue de premier ordre, son oeuvre maîtresse, la ``Escuela Razonada de la Guitarra'', sera le fruit de plus de quarante ans d'expérience. Il enseignera la guitare, la vihuela et la guitare baroque au Conservatoire de Barcelone pendant une vingtaine d'années (Figure [*]), ainsi qu'au Conservatoire de Lisbonne, à ''l'Accademia Chigiana'' de Sienne, (académie réunissant pendant les mois de juillet et août d'éminents musiciens ; Cortot, Cassado, Zabaleta, Segovia, Casals y enseignèrent ; Pujol y assurera les cours de 1953 à 1963) et à l'Ecole Normale de Musique de Paris.

  
Figure: Emilio Pujol donnant un cours à Lerida en 1965.

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Nous avons tenté d'aborder brièvement les différentes facettes de ce musicien de culture encyclopédique, personnage-clé de la guitare du vingtième siècle, qui a oeuvré inlassablement et en profondeur dans plusieurs domaines, ouvrant de nouvelles voies aux générations futures.

3.2 Historique et propos de la méthode

Tarrega mourut avant d'avoir pu mener à bien son intention de publier une méthode de guitare à la demande du violoniste Juan Manen. Pujol, qui fut son disciple de 1902 jusqu'à sa mort en 1909, recueillit une partie des exercices que bien souvent il improvisait pour ses élèves. Il nous dit : ``seuls quelques exercices et études ont subsisté, éparpillés ça et là, parmi ses amis et ses disciples, comme des feuillets perdus d'un livre inestimable que personne ne pourra reconstituer dans son intégralité''3.1. Pujol fut probablement le disciple le plus proche de Tarrega, aussi bien de l'homme que du guitariste. Son penchant pour la recherche et la réflexion semblait le destiner à combler le vide existant à son époque dans le domaine des méthodes, compte tenu de l'absence de classes de guitare dans les conservatoires.

Encouragé par Llobet, Pujol mûrit dans les années 1920 l'idée d'une méthode dans laquelle son oeuvre de musicologue et de compositeur serait elle aussi présente, le tout imprégné d'un sentiment d'héritage du passé et d'hommage à son Maître3.2. La préface de Manuel de Falla, reproduite dans chaque volume, en est la consécration3.3. Elle exprime une grande admiration pour l'oeuvre et lui prédit déjà une place importante dans l'histoire de la guitare.

Pujol déclare : `` Tout ce que j'ai fait avec la guitare, j'ai tenté de me l'expliquer de manière raisonnée, sans prétention''. Cette citation nous éclaire sur la démarche rationnelle et analytique de Pujol. La méthode veut s'inscrire dans la continuité historique ; sa justification est précisée par l'auteur : ``Nous croyons cependant que dans toutes les oeuvres connues, même dans celles où les difficultés de l'instrument sont les mieux exposées, il manque un élément essentiel : l'art d'en triompher''3.4.

Le titre : ``Escuela Razonada de la Guitarra'', c'est à dire ``Ecole Raisonnée de la Guitare'' indique bien que l'intention de l'auteur n'est pas seulement celle d'aborder les éléments techniques à acquérir mais surtout la façon de les acquérir, ce qui constitue une innovation par rapport aux méthodes du passé. Pujol dit dans la préface de l'ouvrage qu'il est destiné ``à l'interprète, au professeur qui peut avoir une meilleure connaissance théorique que pratique, au bon amateur qui sera peut-être moins exigeant techniquement, et au compositeur qui veut se renseigner sur les possibilités de l'instrument''. Cependant, en rapport avec le contexte historique, il semble s'adresser particulièrement à l'étudiant livré à lui-même, soit parce qu'il ait l'intention d'aborder seul la guitare, soit parce qu'il ne puisse pas jouir d'un enseignement de qualité.

Le rôle du professeur et de l'élève est décrit en ces termes : ``l'élève est au maître ce que le malade est au médecin'' (aujourd'hui on parle encore de diagnostic) ; ``la méthode sera le formulaire capable de fournir tous les moyens pour la guérison. Mais pour cela, il est de toute nécessité que l'élève obéisse fidèlement et avec une attention réfléchie, et que le professeur s'efforce de ne pas fausser le traitement''3.5 Quant à l'attitude de l'élève, a qui on attribue un rôle assez passif dans sa relation au professeur, quatre qualités sont indispensables : la volonté, l'assiduité, la patience et le soin méticuleux. Cette comparaison montre bien le contexte pédagogique dans lequel la méthode a été écrite.

Cependant le but recherché est l'acquisition de l'autonomie à travers l'écoute et l'analyse : ``Dès que l'élève sera initié à l'analyse technique des oeuvres, il trouvera lui-même les procédés qui le rendront apte à vaincre les difficultés qui pourraient se présenter''3.6. L'esprit critique de l'élève et l'écoute sont constamment sollicités dans un souci constant de qualité. Il est incité à analyser les oeuvres sans l'instrument, à les mémoriser et à chanter3.7 .

La technique est un moyen et non un but en soi, la maîtrise de l'instrument ouvrant la voie d'accès à la liberté d'interprétation, d'où l'importance de se donner les moyens de le dominer par l'analyse méticuleuse de tous les gestes, l'éducation des mains (force, résistance, élasticité, synchronisation, coulés, barrés, extensions), le développement des aptitudes physiques et de la culture musicale.

Pujol signale les méfaits de certaines méthodes simplificatrices qui limitent la portée de l'instrument, mais il ironise aussi dans l'introduction de son ouvrage sur les dangers d'une passion dévorante jusqu'à l'enfermement : ``L'enthousiasme de ses dévots [la guitare], tourne parfois au fanatisme [...] le guitariste fanatique intervertit les termes : la guitare d'abord, et après, si on a le temps et l'humeur, la musique''3.8.

Bien que Pujol considère l'enseignement de Tarrega comme son héritage spirituel, éthique, et technique, son apport personnel relatif à l'enseignement de la guitare est considérable par sa vision historique, sa réflexion, sa description des étapes de l'apprentissage, et le contenu musical de sa méthode.

4. Description de la méthode

4.1 Structure générale.

La structure générale de ``l'École Raisonnée de la Guitare'' est déjà énoncée par Pujol dans un article sur la guitare datant de 1926 et figurant dans le Dictionnaire du Conservatoire4.1. L'étude de la guitare y est divisée en deux parties : l'une théorique et l'autre pratique.

La partie théorique : elle touche à la formation et à la culture du musicien : formation musicale ; analyse ; histoire de la musique ; encouragement à l'écoute de différents répertoires et à aller au concert, ainsi qu'à la connaissance de l'instrument : organologie, physique de l'instrument, systèmes de notation, effets, connaissance théorique du manche. Tout cela fait essentiellement l'objet du volume I.

La partie pratique : Pujol préconise dans son article une progression technique au moyen d'exercices préparatoires. Le mécanisme des doigts doit être entraîné au moyen d'exercices utilisant tous les procédés instrumentaux comme les gammes, arpèges, liés, barrés, trémolo ; les études (application musicale des éléments travaillés) consolident les acquis ; le répertoire exige selon lui une maîtrise technique suffisante (invitation à découvrir du répertoire, des vihuélistes au XXesiècle ; références, suggestions de pièces à connaître). La musique d'ensemble et le déchiffrage sont encouragés mais on ne trouve dans sa méthode que trois pièces à deux guitares.

Les constantes indications de l'auteur justifient l'appellation de ``cours théorique et pratique'' donné aux volumes II, III et IV. Un cinquième volume devait clore le tout sur une réflexion éthique et pédagogique touchant aux domaines de l'interprétation, la composition pour guitare, la pédagogie et l'esthétique ; cependant il est resté inachevé et inédit.

Le premier volume paraîtra en 1934 chez les éditions Romeo & Fernandez (acquises par Ricordi Americana en 1940). Ensuite, leur publication s'échelonera sur une trentaine d'années. (volume II, 1935 ; volume III, 1954 ; volume IV, 1971).

4.2 Organisation et bref résumé du contenu.

Volume I : Entièrement théorique, il expose le plan de la méthode et retrace l'histoire de la guitare et de la vihuela à l'aide d'exemples musicaux (131 exemples). Il décrit en détail la guitare, analyse la disposition des notes sur le manche, la posture et la position des mains. L'écriture, la notation et des conseils pour le travail quotidien sont aussi abordés (Annexe [*], Page [*]). Ce volume a plutôt la forme d'un traité : on y trouve des exemples, des croquis, mais pas d'exercices. Certains détails ont aujourd'hui une valeur non plus pratique, mais historique : prix des guitares, marque des cordes (en boyau). L'auteur y fait état de ses recherches musicologiques. Depuis, plusieurs histoires de la guitare dont certaines destinées aux enfants ont vu le jour. Néanmoins, ce premier volume traduit bien l'esprit de l'oeuvre ; il a sa place dans l'ensemble de la méthode comme un complément des volumes suivants (il contient 229 paragraphes).

Les trois volumes suivants vont progressivement de la technique de base à la virtuosité (paragraphes 0 à 747). On ne s'attachera pas ici à une description détaillée de chaque volume mais d'une manière générale, on peut dire que les points traités dans le deuxième volume seront approfondis ultérieurement. Chacun des volumes II, III et IV se divise en deux ``cours théoriques et pratiques'' (``Chaque cours constituant une année de bon travail. Les talents et l'application de chaque élève pourront abréger ou prolonger s'il était nécessaire chaque cours'')4.2. Des ``leçons'' assez courtes se succèdent selon un même plan en deux ou trois paragraphes, parfois davantage, qui jalonnent l'organisation du travail de l'élève:

1.
explication théorique et détaillée du geste à effectuer (erreurs à éviter, conseils) en partant du plus simple et en rajoutant des éléments plus complexes par la suite.
2.
exercices d'application (il y en a 560 dans l'ensemble de l'oeuvre) selon des paramètres communs à tous les volumes : développement de la force, de l'élasticité, de la précision, de l'indépendance, de la synchronisation, de la vélocité et de l'économie de mouvement.
3.
études ; assez techniques dans le vol II, elles deviennent par la suite plus expressives et font d'avantage appel à la culture musicale de l'élève. Pujol fait une présentation générale des études du troisième livre (mais pas de celles du deuxième, ce qui témoigne de l'évolution de l'auteur). Il nous renvoie également à cette présentation pour les études du quatrième volume. Il y a 70 études au total qui se rapportent à des points techniques traités dans une leçon ou un ensemble de leçons. Certaines sont d'inspiration populaire ( ``vidala'' vol II ; ``bolero'', ``zortzico'', vol III) ; d'autres font référence à la musique ancienne (``villancico'', vol. III). Certaines sont des transcriptions (``Etude 1'' de Chopin, variation en arpèges de la ``Chaconne'' de Bach, vol. IV) ou des variations (``15 variations sur un thème de Aguado'', vol. IV). Chacune des études des volumes III et IV s'accompagnent d'un commentaire.

Volume
II :
Volume
III :
Volume
IV :

5. Exemples et application pédagogique

5.1 Parcours à l'intérieur de la méthode

La méthode de Pujol parut à une époque où l'enseignement de la guitare ne faisait pas encore partie des instruments enseignés dans les conservatoires (en France, les premières classes de guitare des conservatoires de Marseille et de Boulogne datent des années 60). Les guitaristes avaient besoin de repères pour situer l'instrument et d'un outil de travail complet offrant à l'étudiant une ouverture sur la culture musicale et sur d'autres ouvrages, ce qui pourrait expliquer l'abondance de texte. L'édition de l'ouvrage en version bilingue, a probablement été voulue par Pujol afin d'atteindre un plus large public. Cette importance du texte est un trait marquant de la méthode. Pujol accompagne l'élève de sa présence, par un texte très fourni dans lequel, chaque idée constitue un paragraphe.

Il nous a semblé intéressant pour mieux comprendre le cheminement de Pujol, et pour montrer l'interaction du texte et de la progression technique, de suivre la trace d'un principe technique fondamental : son énoncé initial et son parcours à l'intérieur d'un volume et tout au long de la méthode.

Le principe technique choisi se rapporte à l'importance du placement simultané de plusieurs doigts sur le manche et de leur maintien jusqu'à la position suivante et par là même, du changement de position5.1. Ce principe est fondamental étant donné que la guitare est un instrument polyphonique dont le son a une durée limitée par la résonance naturelle des cordes mais aussi par l'action de la main gauche qui conditionne fortement le résultat sonore. Ci-dessous la progression du travail de cet aspect technique est détaillée. On suivra son évolution au cours des quatre volumes ; de la définition jusqu'à son intégration dans le jeu instrumental. Les autres aspects techniques tels que les gammes, la mobilité du pouce ou les liés, sont traités en parallèle avec le même type de progression.

5.1.0.0.1 Explication et initiation :

La septième leçon du deuxième volume, est une initiation à la main gauche débutant par l'explication de la position, avec dessins à l'appui, des exercices de placement sur une corde (main-gauche seule), puis un exercice consistant à poser l'accord de Do en le maintenant pendant toute la durée de l'exercice (Annexe [*], Page [*]). Pujol prépare ainsi l'élève dès le début à l'exécution à plusieurs voix, aux accords et aux arpèges. L'exemple 20 qui précède l'exercice, présente avec l'explication théorique, la position à effectuer et le doigté correspondant ; les problèmes éventuels et leur solution sont soulevés (voir paragraphe 34-36 du même annexe).

5.1.0.0.2 Étude du changement de position :

La leçon 9 aborde l'enchaînement des positions par une série de règles (Annexe [*], Page [*]) et un exercice de changement de position pour la main gauche seule. Le travail mains séparées est habituel dans les premières leçons, mais il ne fait quasiment jamais l'objet de toute une leçon, ce qui est ici le cas et qui montre l'importance que l'auteur accorde à ces règles. C'est pourquoi cette leçon est entièrement reproduite en annexe. Dans l'énoncé on trouve des principes qui seront maintes fois rappelés (simultanéité, économie de mouvement, doigts communs à deux positions consécutives, anticipation du geste, non interruption du son dans les changements de position).

5.1.0.0.3 Mise en musique de changements simples :

Après ces exercices préparatoires de main gauche, on trouve un exercice simple, avec une position par mesure (Annexe [*], Page [*]) qui permet en jouant lentement d'anticiper le changement de position. La leçon 12 fait intervenir des formules d'arpège à la main droite en rappelant le principe de main gauche dont il est question5.2, sur un exercice comportant ici encore une position par mesure. Pujol a donc rajouté un nouvel élément à la main droite sans rendre la main gauche plus complexe. Les bases techniques sont installées progressivement et minutieusement (``il ne faut pas altérer l'ordre progressif car chaque exercice est le complément du précédent et la préparation du suivant'').5.3

5.1.0.0.4 Changements de position plus rapides :

Avec l'apparition des accords (leçon 17-19), l'auteur rappelle que ``le doigt qui appuie sur une corde, ne sera pas levé tant qu'il ne gênera pas l'exécution de la note suivante'' ; pour les arpèges qui suivent, il inverse le procédé utilisé à la leçon 12 : c'est la main droite qui garde le même système et la main gauche qui aura à changer de position plus rapidement, c'est à dire qu'il y aura deux positions par mesure (``les doigts qui doivent appuyer les deux premières notes de chaque groupe, seront placés en même temps'')5.4, Ensuite (leçon 21), les mêmes principes et conseils de main gauche (``il faut considérer le premier accord de deux notes de chaque groupe de croches comme s'il devait être produit avec la note de la basse ; les doigts seront placés simultanément'')5.5, seront à appliquer sur une nouvelle formule de main droite faisant alterner le pouce et des accords (Annexe [*], Page [*]). Nous voyons ainsi comment un même principe est appliqué progressivement et vu sous différents angles. Nous ne retenons dans le texte que certaines leçons illustrant la démarche de Pujol concernant ce point précis, mais chaque principe technique important est abordé. Ainsi, dans le deuxième volume, chaque leçon renferme des indications pour la main gauche, pour la main droite, puis des conseils pratiques d'exécution. On pourra constater par les exemples figurant en annexe qu'il y a une grande quantité de texte dans le deuxième volume qui contient les bases techniques, puis en moindre mesure dans le troisième, pour finalement devenir assez succincte dans le quatrième. Le texte diminue à mesure qu'augmente l'autonomie de l'élève.

5.1.0.0.5 Vers une application musicale :

À partir de la leçon 21, les exercices de ce volume deviennent plus longs et élaborés. Ils peuvent être considérés comme de petites études plutôt que comme des exercices de mécanisme où, ``sans oublier les indications précédentes, l'élève suivra le doigté indiqué''. (Annexe [*]) L'exercice 30, dont on ne reproduit que quelques mesures, (Annexe [*], Page [*]) est d'inspiration populaire proche de la malaguena ; les indications qui l'accompagnent illustrent la priorité donnée ici au doigté. Pujol souligne l'importance du respect des doigtés en paraphrasant par le texte les indications de doigté figurant sur la partition, ce qui devient lourd à lire. On remarque ainsi comment l'auteur semble prendre en charge l'élève sans compter sur le travail du professeur ; il s'en explique dans la préface de la méthode (voir ``historique et propos de la méthode''). L'étape suivante consistera à augmenter la rapidité des changements de position. Voici un extrait de l'exercice 80. (Annexe [*], Page [*]) Pujol met à chaque fois l'accent sur la conduite de la main gauche pour veiller à ce que le son ne s'interrompe pas dans les changements de position. La technique s'est enrichie à ce stade de l'utilisation de l'annulaire de la main droite et des barrés. L'exercice 82, (Annexe [*], Page [*]) un des plus importants de la méthode, est une sorte de choral offrant de multiples possibilités de travail ; les nombreux barrés et démanchés demandent une attention particulière dans la conduite de la main gauche ; c'est pourquoi Pujol renvoie l'élève à la leçon 9 (Annexe [*], Page [*]). Les études figurant à la fin du livre ne sont pas explicitement reliés aux exercices. On peut dire d'une manière générale que par rapport aux exercices, elles utilisent toute l'étendue du manche jusqu'à la douzième case ; (voir l'étude en Annexe [*], Page [*])

5.1.0.0.6 En combinaison avec de nouvelles difficultés :

En suivant la piste du principe de simultanéité des doigts de la main gauche dans le troisième volume, nous constatons qu'il est maintenant associé au déplacement des doigts le long du manche dans le sens horizontal. En plus de la simultanéité, les changements de position deviennent beaucoup plus rapides et impliquent la souplesse du bras qui doit guider la main de la première à la douzième case. Ainsi de nombreux exercices se succèdent sur des gammes chromatiques ou diatoniques en tierces. Les exercices proposés sont dépourvus de construction musicale contrairement à ceux du volume précédent. Dorénavant, plusieurs doigtés de main droite seront utilisés dans le même exercice et il sera souvent demandé de le transposer. Les leçons sont généralement plus courtes que dans le volume II (Annexe [*], Page [*]) et les renvois aux paragraphes précédents sont courants, aussi bien pour les recommandations déjà faites antérieurement (l'auteur supposant qu'il y a eu assimilation du principe de simultanéité, il ne va faire que des allusions ponctuelles), que pour indiquer à l'élève comment réutiliser le matériel déjà vu, ce qui allège le texte mais oblige le lecteur à faire des va-et-vient. Par rapport à l'exercice 129 en annexe (Page [*]), l'exercice 151, leçon 74, est construit sur la même gamme ; le texte donne une orientation de travail. En effet, l'accent est mis ici sur le jeu de la main droite (jeu à trois doigts sur deux cordes avec différentes combinaisons de doigté indiqué à l'aide de formules) et sur le contrôle de la sonorité (paragraphe 226, annexe [*]). Le matériel à mémoriser est donc réduit au minimum pour concentrer l'attention sur la qualité du travail. La présentation adoptée dans cet exercice sera celle de tous les exercices similaires. Elle constitue un gain de facilité de déchiffrage et de clarté.

5.1.0.0.7 Intégration de la technique dans le travail artistique :

Après quelques exercices de mécanisme, l'auteur indique à la fin de la leçon, l'étude complémentaire prévue qui se trouve à la fin du livre, accompagnée d'un commentaire (Annexe [*], Page [*]). Les études sont dans ce volume plus nombreuses et ordonnées ; certaines, dont le ``zortzico'' sont d'une richesse rythmique et mélodique très attrayante. Pujol les définit comme une initiation au répertoire. L'extrait suivant montre bien l'importance que Pujol attache au développement simultané de la musicalité et de la technique : ``Ces études résument dans des formes musicales diverses, plusieurs aspects de la technique guitaristique. Elles ont le double but de vaincre les difficultés particulières à chaque étude, et d'affirmer par leur pratique et leur maîtrise, le sens instrumental, musical et artistique qui éveille et oriente dans l'esprit de l'élève, les facultés d'interprétation propres à le guider dans l'exécution de son répertoire''5.6. Pujol établit un ordre de priorités en privilégiant jusqu'à la fin du troisième volume les exercices et les études (celles de la méthode et celles des compositeurs du XIXesiècle et du début du XXesiècle dont il cite quelques recueils). Il considère comme Tarrega, que pour aborder les oeuvres de répertoire, il faut être en mesure de maîtriser les difficultés d'exécution pour ne pas entraver l'interprétation (Annexe [*], Page [*]). Pujol écrit à la fin du volume III ; ``L'élève pourra préparer un répertoire d'oeuvres d'auteurs classiques, romantiques et modernes dont les difficultés soient contenues dans les problèmes traités jusqu'ici''5.7.

5.1.0.0.8 Maintien de l'acquis :

Pujol définit ainsi le quatrième volume : ``le quatrième livre, énonciatif et dynamique à la fois, est avant tout un outil de travail''5.8. La particularité de ce volume se trouve dans l'utilisation de formules mnémoniques qui simplifient la lecture (les lignes horizontales représentent les cordes ; les chiffres indiquent le numéro de la case qui est égal au numéro du doigt). (Annexes [*][*] et [*]) Les formules sont réduites au minimum (elles tiennent souvent en une mesure) ; différents tempi et différents rythmes sont proposés. C'est à l'élève de choisir dans ce ``mémento'', l'exercice le plus utile : ``nous conseillons à celui qui entreprend l'étude d'une oeuvre et qui trouverait un passage difficile à maîtriser, de le travailler isolément ou de chercher dans les formules semblables de ce livre le matériel qui permettra de le vaincre''5.9. L'étude dont l'extrait figure en annexe : ``le petit ruisseau'', exige une très bonne maîtrise de la main gauche par l'écriture à deux voix parallèles ; les exercices 259 à 264 traitent uniquement de l'indépendance des doigts. Pour le guitariste, ce volume sert à entretenir la technique sans ``fatiguer'' les pièces de répertoire. À la fin de chaque leçon, l'auteur renvoie à l'étude d'oeuvres comportant l'élément traité (Villa-Lobos, Albeniz, Llobet, Sor, Aguado, Pujol). Dans ce volume, Pujol aborde également des sujets comme le phrasé, la logique du doigté ou la guitare concertante.

5.2 Application pédagogique

5.2.1 Une ``encyclopédie'' de la guitare

Indissociable de son contexte historique, ``l'École Raisonnée de la Guitare'' s'efforce par la somme d'exemples et d'explications d'être claire et convainquante, dans un souci de sérieux et d'érudition. Le soin porté aux doigtés et la minutie du texte oriente l'autodidacte, le compositeur ou l'élève qui se pencheraient dessus. Les nombreuses allusions aux techniques et aux méthodes du passé, donnent à l'étudiant un aperçu de l'évolution de l'instrument à l'intérieur des sujets abordés. Sa référence à la méthode de Aguado pour le travail des liés ; à celle de Sor pour l'évolution du doigté ; ou le renvoi à la notation du vibrato dans les tablatures anciennes, en sont des illustrations.

Les exemples cités montrent comment au fil des volumes, Pujol tendit vers une plus grande concision dans la présentation. Les exercices sont aussi devenus de plus en plus courts et condensés autour d'une seule difficulté. Les exercices du volume II sont pour la plupart de courtes compositions, alors que par la suite, on trouvera plutôt des exercices préparatoires très mécaniques reliés à des études plus importantes. On pourrait attribuer cette évolution de la méthode à un changement dans la didactique de l'auteur sur la période de quarante ans que couvre la conception et la publication de l'oeuvre. Pujol indique dans la préface du volume III que l'évolution de la technique de l'instrument l'a amené à introduire des systèmes logiques non prévus dans les volumes précédents, capables de résoudre les difficultés de la façon la plus efficace. Cependant, en ce qui concerne le texte, il apparaît plus plausible que la réduction des commentaires entre les volumes II et III soit volontaire, et résulte de la progression supposée de l'élève au cours de la méthode.

Le goût de Pujol pour les explications théoriques semble répondre à son objectif pédagogique et dans un sens plus large, à sa volonté d'exposer l'ensemble de ses connaissances sur l'instrument. On peut citer en appui de cette hypothèse, la place faite dans le texte du quatrième volume à des sujets comme le phrasé, les techniques particulières de jeux ou des règles générales pour le doigté, qui n'avaient pas encore été abordés en détail. Rappelons aussi l'existence du premier volume, ainsi que celle du cinquième volume inachevé, dédié en grande partie à l'esthétique, à la pédagogie et à l'interprétation, qui aurait certainement reflété la personnalité artistique de l'auteur.

5.2.2 Adaptation

Le concept et la mise en page correspondent à son époque ; les idées à retenir sont ordonnées en paragraphes, alors que par exemple, les méthodes plus récentes font appel à différents moyens pour attirer l'attention et faciliter l'apprentissage (photos de position, couleurs, dessins humoristiques). On ne peut trouver dans cette méthode le côté ludique et séduisant des méthodes actuelles, adaptées à l'âge et au niveau d'élèves de plus en plus jeunes, et qui sont installées dans les critères pédagogiques d'aujourd'hui (alors que comme on a vu, la méthode de Pujol ne s'adresse pas à un public en particulier mais à plusieurs à la fois). C'est pourquoi la méthode comporte certains inconvénients qui peuvent faire obstacle à son utilisation avec de jeunes débutants : l'édition bilingue et la quantité de texte peut être décourageante ; la traduction française est parfois maladroite ; certains exercices du volume II sont un peu longs et parfois difficiles à cause des barrés.

Cependant, le matériel est assez vaste pour contenir des éléments utilisables par des enfants débutants à condition de les guider. Si on reprend la question du placement simultané de plusieurs doigts de la main gauche sur le manche, et du changement de position, il faut rendre la signification musicale de ce principe explicite à l'élève, par des exemples concrets à l'instrument qui fassent entendre la différence entre des gestes bien ou mal amenés. Certaines méthodes pour enfants tardent à aborder ce principe, ce qui a pour effet de limiter, en voulant simplifier le travail, la conception que les élèves ont de l'instrument. En adoptant le raisonnement de Pujol, on peut suivre la même progression en partant d'un accord plus facile pour de petites mains comme l'accord de mi mineur, beaucoup plus simple à maintenir pour un enfant que l'exemple en Do proposé. Ensuite on peut adapter les exercices en fonction de l'élève.

On peut donc faire précéder la théorie de l'expérience, en abordant les exercices et les études d'une manière vivante ; on peut s'en servir comme cahier technique ; varier les figures rythmiques dans les exercices et en inventer d'autres ; en tirer aussi des directions de travail. D'autre part, les exemples en annexe se rapportant aux exercices du volume III, peuvent selon les cas être faits en même temps que ceux du volume II, s'ils sont adaptés à l'élève moins avancé. Il en est de même pour certaines études du volume III et pour certaines formules du volume IV. Il faut donc moduler la méthode en fonction de ses propres objectifs pédagogiques, du besoin des élèves et du temps de cours imparti, et la combiner avec d'autres ouvrages prenant en compte les divers répertoires disponibles (musique contemporaine, latino-américaine, musiques actuelles, entre autres).

Le professeur peut accompagner l'élève dans la lecture de certains passages de façon ponctuelle, pour consolider des acquis, s'appuyer sur les divers conseils d'organisation du travail ou sur les valeurs morales exprimées. Ainsi par exemple, l'effort de l'élève est valorisé et posé comme une condition de succès dans la recherche artistique. La méthode permet aussi de confronter ses propres idées ou celles de l'élève à celles que le texte défend. Pour tirer pleinement parti de cette méthode, le professeur doit donc la connaître pour pouvoir la mettre à la portée des élèves et jongler avec ses possibilités.

L'adaptation de cette méthode doit donc être guidée par le souci de transformer l'image du médecin face au patient (page [*]) en celle du passeur qui ouvre les portes du monde de la musique à l'élève.

5.2.3 Les aspects modernes

La méthode de Pujol contient des aspects qui sont encore d'actualité. L'effort de synthétisation et de schématisation, qui rappelle quelque peu le système des tablatures, est une trouvaille très amplement utilisée dans les méthodes plus récentes.

Pujol met le son au premier plan de ses préoccupations pédagogiques ; il invite l'élève à prendre conscience dès le départ que la qualité du son est liée à l'attaque des deux mains : ``le placement correct des doigts [de la main gauche] et la force employée à tenir les cordes concourent aussi à la beauté du son''5.10 ; ``en aucun cas la résistance qu'offre la corde ne doit vaincre l'effort de la dernière phalange [des doigts de la main droite] en l'obligeant à céder en sens contraire''5.11. Bien qu'il exprime sa prédilection pour le jeu sans ongles, il fait remarquer qu'il s'agit là d'un choix strictement personnel, sans rentrer dans une polémique qui fera l'objet d'un court essai5.12.

L'analyse scrupuleuse mise en oeuvre pour cibler exactement un problème précis, peut être d'une aide précieuse au guitariste plus avancé pour développer sa capacité d'analyse face aux problèmes éventuels rencontrés dans les pièces et pour optimiser son temps de travail.

Pujol transmet bien dans ``l'École Raisonnée de la Guitare'', le sentiment que l'éducation musicale et artistique se compose d'un ensemble très divers de connaissances. Il encourage l'élève à se forger une culture et à dépasser le cadre de son instrument. Cette vision globale de l'enseignement est à l'ordre du jour dans les institutions d'éducation musicale d'aujourd'hui.

6. conclusion

La musicologie est un domaine qui s'est beaucoup développé et qui a amené un enrichissement des répertoires et une spécialisation des interprètes jouant souvent sur instruments anciens. Pujol fait partie des initiateurs de ce mouvement de redécouverte aussi bien par ses recherches que par son enseignement. Citons parmi les élèves de Pujol qui se sont engagés dans cette voie, Javier Hinojosa et Hoptkinson Smith.

La période qui se situe à la charnière des deux siècles est un tournant important dans l'histoire de la guitare ; la méthode de Pujol en est le fidèle témoin. Dans la tradition des méthodes des compositeurs-interprètes du passé, ``l'École Raisonnée de la Guitare'', contient tout le long, un matériel entièrement composé à cet effet et qui a été testé et repensé au fur et à mesure d'une longue expérience d'enseignement. Elle reflète l'oeuvre d'un musicien complet.

Avec ``l'École Raisonnée de la Guitare'', Pujol semble avoir misé sur l'importance d'une solide formation du guitariste comme un moyen de garantir le devenir de l'instrument. Sa méthode n'est pas conçue comme un système clos ; elle est tournée vers le futur. Pujol nous dit : ``l'évolution constante de la musique entraîne l'évolution technique'' ou : ``Nous ne prétendons pas exclure par ce travail celui des autres auteurs. Aucune oeuvre personnelle ne peut contenir les subtilités crées par la pédagogie dans son développement constant''6.1.

Certaines méthodes actuelles s'inspirent directement ou indirectement de ``L'École Raisonnée de la Guitare'' : citons ``Approche de la guitare'' de Arnaud Sans, ``La Guitare'' de Arnaud Dumond, ``La Guitare'' de Didier Bégon ou ``A modern approach to the guitar based on the principles of Emilio Pujol'' de Guido Topper. Ces méthodes destinées aux élèves de premier cycle, vont dans le sens d'une adaptation de l'esprit de la méthode de Pujol à de jeunes débutants.

``L'École Raisonnée de la Guitare'' est une option pédagogique parmi d'autres, mais il n'empêche qu'elle est devenue un ouvrage de référence de la guitare du vingtième siècle offrant un large éventail de connaissances et d'applications. Pujol a réussi ainsi une oeuvre à fonctions multiples comme il le souhaitait dès sa conception. Cependant, en tant qu'enseignant, on ne peut pas l'envisager comme une méthode prête à l'emploi, vu qu'étant nécessairement ancrée dans son époque, il faut, pour son utilisation pratique, l'adapter au contexte actuel. La matériel présenté est toujours efficace, mais il doit être distillé pour chaque élève d'après son niveau et sa progression.

Nombreux sont les conservatoires en France et à l'Étranger qui utilisent couramment ``L'École Raisonnée de la Guitare'' aujourd'hui. On peut citer parmi eux les CNR de Boulogne et de Marseille et l'École Normale de Musique de Paris.

7. Extraits de la méthode d'Emilio Pujol

7.1 Préface de Manuel de Falla

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7.2 Exercice 6 (Vol II, Page 24)



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7.3 Leçon 9 (Vol II, Page 26)



 





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7.4 Leçon 10 (Vol. II, Page 29) (extrait)



 





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7.5 Exercices 24 et 25 (Vol. II, Pages 45-46)



 





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7.6 Exercice 30 (Vol. II, Page 51) (extrait)





 





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7.7 Exercice 80 (Vol. II, Page 85)



 





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7.8 Exercice 82 (Vol. II, Page 86)





 





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7.9 Étude 2 (Vol. II, Page 117)



 





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7.10 Exercice 129 et Leçon 74 (Vol. III, Pages 40 et 48)





 





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7.11 Étude XXXI (Vol. III, Pages 136-137)





 





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7.12 Chapitre XIV (Vol. I, Page 86)





 





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7.13 Leçon 122 (Vol. IV, Page 18)





 





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7.14 Leçon 123 (Vol. IV, Page 19)





 





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7.15 Étude LXIX (Vol. IV, Page 223)





 





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Références

1
PUJOL, Emilio, ``Tarrega, Ensayo biografico.'' Valencia : Artes Graficas Soler, 1960 (réédition 1978).

2
PUJOL, Emilio, ``El dilema del sonido en la guitarra.'' Buenos Aires : Ricordi Americana, 1979.

3
PUJOL, Emilio, ``Escuela Razonada de la guitarra'', Vol 1, 2, 3, 4. Buenos Aires : Ricordi Americana, Vol I, 1934 (BA9587) ; Vol II (BA9563), 1935 ; Vol III 1954 (BA10945) ; Vol IV (BA12838), 1971

4
PUJOL, Emilio, ``La guitare'' in Encyclopédie de la Musique et Diccionnaire du Conservatoire, deuxième partie, p.1997 à 2035. Paris : Delagrave, 1926.

5
RIERA, Juan, ``Emilio Pujol''. Lerida : Instituto de Estudios Ilerdenses, 1974.

6
PEREZ -QUER, Guillermo, ``Emilio Pujol ; un artista insustituible'', in ``Ritmo'', 1980.

7
A.MITERAN, Alain, ``Histoire de la guitare'', Paris : Editions Zurfluh, 1976.

8
EVANS, ``Le grand livre de la guitare'', Paris : Albin Michel, 1979.

9
LE BORDAYS, Christiane, ''La musique espagnole'' collection ''Que sais-je ?'', Paris, : PUF, 1985.

Àpropos de ce document...

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Footnotes

...
Pujol , ``Escuela Razonada de la Guitarra'', volume I, p.12.
...
Riera, Juan, ``Emilio Pujol''. Lerida : Instituto de Estudios Ilerdenses, 1974.
... ``Tarrega''2.1
Pujol, Emilio, ``Tarrega, Ensayo biografico.'' Valencia : Artes Graficas Soler, 1960 (réédition 1978).
... esprit''2.2
... système''2.3
... intégralité''3.1
Escuela Razonada de la Guitarra, Vol I p.13
... Maître3.2
Comme le prouve la dédicace :
``A la memoria de Francisco Tarrega
fénix espiritual de la guitarra
homenaje de gratitud y admiracion''
... consécration3.3
Le fac-similé de la préface figure en annexe.
... triompher''3.4
  Pujol, ``Escuela razonada de la guitarra''.vol. I, introduction.
... traitement''3.5
Pujol, Escuela Razonada de la Guitarra vol I, Buenos Aires, Ricordi Americana, 1956, p.18.
... présenter''3.6
Pujol, Escuela Razonada de la Guitarra, vol I, introduction
... chanter3.7
''on ne recommande jamais assez de chanter ; par le chant, on retrouve le sens du phrasé'' ; ``l'élève doit toujours s'entendre jouer et doit corriger les défauts signalés par son propre jugement artistique''
... musique''3.8
Voir [*]
... Conservatoire4.1
Pujol, ``La guitare'' in Encyclopédie de la Musique et Dictionnaire du Conservatoire, deuxième partie, p.1997 à 2035. Paris : Delagrave, 1926.
...
Pujol, Escuela Razonada de la Guitarra, vol I : `` Les doigts de cette main [gauche] agissent en deux sens : transversalement (de la chanterelle à la sixième corde ou inversement) et parallèlement aux cordes (du sillet à la rosace)''.
... cours'')4.2
Pujol, Escuela Razonada de la Guitarra, vol II, introduction.
... transversal4.3
... position5.1
Position : dans la terminologie de la guitare, la disposition et l'action des doigts sur les cordes en vue de la réalisation de tel accord, arpège ou passage.
... question5.2
Pujol, Escuela Razonada de la Guitarra, vol II, introduction.
... suivant'').5.3
Pujol, Escuela Razonada de la Guitarra, vol II, introduction.
... temps'')5.4
Pujol, Escuela Razonada de la Guitarra, vol II
... simultanément'')5.5
Pujol, Escuela Razonada de la Guitarra, vol II, paragr. 81
... répertoire''5.6
Pujol, Escuela Razonada de la Guitarra, vol III, p.96
... jusqu'ici''5.7
Pujol, Escuela Razonada de la Guitarra, vol. III, paragr. 362
... travail''5.8
Pujol, Escuela Razonada de la Guitarra, vol IV, préface.
... vaincre''5.9
Pujol, Escuela Razonada de la Guitarra, vol. IV, paragr. 747
... son''5.10
Pujol, Escuela Razonada de la Guitarra, leçon 7, vol 2 p. 22
... contraire''5.11
Pujol, Escuela Razonada de la Guitarra, vol. I, p.82
... essai5.12
Pujol, ``El dilema del sonido en la guitarra.'' Buenos Aires : Ricordi Americana, 1979.
... constant''6.1
Pujol, Escuela Razonada de la Guitarra, vol I, introduction ; vol III, préface.

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